Peintre et dessinatrice, Pascale Blaizot utilise l’huile, la gouache et le fusain pour traduire la transparence d’une lumière, l’air qui bruisse et vibre autour d’une figure, humaine ou animale qui passe et disparaît, éphémère.

Elle ne travaille pas directement d’après nature mais à partir d’un corpus d’images collecté dans divers supports et de souvenirs liés à l’enfance, à la contemplation du vivant. Son travail est nourri de manière souterraine par les sensations provoquées par ces instants fugitifs et ténus saisis à la dérobée.

Elle ne cherche pas à rendre compte d’une réalité et son œuvre, bien

que figurative, laisse la place à l’interprétation de celui qui regarde.

 

Autour de l’exposition Galerie Le Serpent vert, mars 2021

La scène pourrait n’exister que pour elle, cette impression longue, vibrante qui m’aspire. Tout en haut, ce rouge un peu rosé, transparent et flottant, appartient au toit d’un immeuble dont les parois s’effacent. Ce que Roland Barthes et les historiens de l’art après lui appellent le punctum est ce point sensible où aboutit, pour chacun, le regard. Le mien se tient là, au sommet d’une façade hésitante et criante. La toile est peinte à la lisière du bichrome. À gauche, des tons gris ardoise, unanimes, sur ce bout de ville. Paris, sans doute. Une femme à la chevelure brune, passe, au hasard, au pied d’une architecture implacable. Solitude. L’atmosphère est dite, à l’envi. Cependant, le soleil arrive par le sol et tout bascule, à l’impromptu.

Dans le travail de Pascale Blaizot, en dessin comme en peinture, le temps est surpris. La lumière tendre s’évanouit parfois pour parler du corps. Ténue au centre, la couleur éclate autour du sujet et parle de joie. Un geste inachevé, un dos tourné, une silhouette au pas de course nous interrogent : que s’est-il passé avant, qu’adviendra-t-il ? Au fil des toiles, une voix nous dit « Soudain… », sans le moindre détour. Ainsi, la danse montrée, non pas dans la pose esthétique mais en mouvements interrompus, vécus est portée par l’être, l’envie. Une nuit de fusain, un enfant saute, curieusement pensif. Autant d’instants qui nous racontent.

En regardant les compositions de Pascale Blaizot, il me vient à penser qu’Éric Satie aurait aimé visiter ce temps du XXIe siècle en sa compagnie. Il serait arrivé à pied. Elle aurait saisi son pardessus sombre dans le vent d’avril, une saison où la lumière ne blesse pas les yeux, où les giboulées peuvent surprendre. Et ils seraient partis, au hasard des rues, cueillir l’air du temps.

Laurence Verrand, 21 avril 2021

 

Autour de l’exposition « 100 titres » atelier Rochebrune, décembre 2021

 Après ses séries Manga (2007), Cosmos (2007-2013) et Suite Noire (2012-2013), Pascale Blaizot nous entraîne dans un monde de gestes et de mimiques, où l’attitude des modèles dialogue avec l’environnement pour traduire un état d’esprit. L’exploration par l’artiste du mouvement et de la narration débute autour du milieu des années 2010 et perdure dans ses séries les plus récentes.

Des désastres (2015-2018) aux danseuses (2017-), en passant par ses figures dans les villes et les paysages (2018-), un large pan des œuvres actuelles de Pascale Blaizot porte sur la pose et le geste. Dans ces travaux, l’artiste semble explorer les expressions corporelles pour jouer avec notre capacité à interpréter et reconstruire une narration à partir de ce que l’on voit.

Ainsi, une figure assise, avec un tunnel incendié en arrière-plan, nous donne tout de suite une impression de désœuvrement. Ce personnage hébété n’est pas prostré, nous ne voyons pas son visage, pourtant, par empathie nous reconstruisons un sentiment et, par l’observation de son environnement, nous reconstruisons une narration. Lui, sur le bas-côté; au loin, le tunnel en feu: quelque chose ne va pas. Nous sommes donc devant une scène et nous lui donnons un sens selon notre regard et nos hypothèses qui dépassent le moment représenté.

De manière analogue, les danseuses et les chats de Pascale Blaizot sont suspendus dans leur mouvement. On retrouve des poses arrêtées, semblables aux katas des karatékas, lors desquelles pauses et enchainements nous font exclamer : « C’est ce moment! Celui qui donne à voir le mouvement avec justesse, et qui nous permet d’envisager la suite. » En réalité l’artiste représente un geste interrompu par sa représentation même, et c’est notre regard qui restitue le mouvement.

Dès lors, on saisit mieux l’importance que Pascale Blaizot donne aux plans. Ses œuvres se déploient dans un espace régit par ces derniers plutôt que par une perspective exacte : avant-plan, arrière-plan; droite, gauche; haut, bas… Les arbres et immeubles conservent une valeur narrative – éléments qui nous permettent de construire l’histoire – tout en participant de notre rapport à l’espace. Le propre des sujets en mouvement est de se situer entre les plans. Lorsque le chat saute, est-il en train d’arriver quelque part au-dessus? Ou d’atterrir en dessous? Cette situation d’entre-deux devient donc une évidence dans le cas des figures plongeantes et bondissantes, ou lorsque le titre s’en mêle comme pour l’œuvre Styx.

Les personnages de Pascale Blaizot sont tirés de trésors accumulés : magazines, vues Google, réseaux sociaux mais aussi photographies anciennes, ou encore travaux d’autres artistes. L’artiste extrait une composition, une atmosphère ou une expression qu’elle peut ensuite reformuler et décliner. Elle revient régulièrement sur cet atlas, répertoire de formes et de sujets qui portent son travail, afin de l’enrichir et y retrouver les instants suspendus qu’elle va ensuite déconstruire. La recherche de l’expression est, puisque l’artiste pioche dans un univers d’images qui s’offre à elle, puis sélectionne, extrait et redéploie.

Boris Marotte

 

Série Le Royaume

Le Royaume est une série commencée en 2018, en hommage à Utagawa Hiroshige, interprète de la nature à travers ses nombreuses estampes, particulièrement avec « 53 relais de la mer de l’Est ».

Sur ces toiles d’assez grandes dimensions, 114 x 146 cm, l’humain est absent. Les sujets récurrents représentés sont des paysages habités par un pin maritime et un chat. Ce pin, comme ceux que l’on peut observer dans de nombreuses estampes d’Hiroshige, occupe le premier plan de manière forte.  Le chat, plus exactement une jeune chatte tricolore, Mi-Ke, porte-bonheur au japon, est l’esprit tutélaire des lieux. Sur la plupart de ces toiles, elle est soit juchée sur l’arbre, soit à son pied, en posture de veille ou d’observation, portant une « qualité d’attention »* à ce qui l’environne. Il semble qu’elle regarde parfois en direction du spectateur ou tout du moins en dehors de la toile, appelant peut-être à une forme de communication.
Devant, dans la partie inférieure de la toile, quelquefois au pied du pin, dans ses branches, à ses alentours, quelquefois dans la partie supérieure, nous pouvons voir d’autres animaux.
Il peut s’agir d’un lapin, d’une mésange, d’une grenouille ou d’un poisson et d’une libellule, tous représentants « d’autres formes de vie que la notre »*.
Ces toiles se caractérisent par des aplats et des dégradés de couleurs qui animent la composition à l’arrière plan. Ces teintes symbolisent les éléments naturels comme le ciel, les nuages, un plan d’eau ou une flaque, le sol… Les délicates transparences de l’atmosphère au fil des saisons de paysages imaginés, fantasmés ainsi que différents moments de la journée, aube, crépuscule, nuit sont représentés.
Il n’y a pas de perspective, mais des plans ainsi que peu ou pas d’ombres portées.

Au moyen de peu de formes, ces paysages prennent vie avec l’utilisation d’une palette de couleurs chaudes, froides et acidulées, où dominent le vert, le bleu et le rose.

Cette série, comme la série « À travers une fenêtre enchantée », correspond à une porte s’ouvrant sur le pays des songes.

Des instants représentés qui donne l’impression d’arrêter le temps et qui parlent de l’impermanence des êtres vivants.

*Baptiste Morizot

 

Série Danseuses

Cette série exprime l’énergie de figures féminines, solitaires et concentrées, en mouvement malgré les contraintes, sortant de l’ombre pour accéder à la lumière. Cette énergie, cette concentration se fait grâce à l’inscription de ces femmes en mouvement dans un petit format très étroit (16 x 27 cm).

Les couleurs, acidulées, vives ou contrastées amènent légèreté et luminosité.

L’absence d’éléments de décors, les fonds traités uniquement par la couleur fixent l’attention sur les corps solitaires et concentrés.

Le spectateur fait l’expérience d’une énergie vibrante en suspens.

 

Autour de l’exposition Recto/Verso, fondation Louis Vuiton pour le Secours populaire

En 2015, le Secours populaire célèbre 70 ans de solidarité et multiplie à cette occasion des initiatives pour sensibiliser le public à la nécessité de ses actions en France, en Europe et dans le Monde. L’accès à la culture figurant parmi les axes prioritaires de sa mission, le Secours populaire
a souhaité initier dans le cadre de cet anniversaire, un événement remarquable en invitant des artistes à faire œuvre de solidarité, en favorisant la rencontre des personnes qu’il accompagne avec l’art contemporain, et réunir des fonds pour développer l’accès à la culture des plus démunis.

https://www.secourspopulaire.fr/rectoverso

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